Et si nous n’étions pas dans le bon camp ?

 

Quand je dis que je forme “les gens bien”, je sais que certains lèveront un sourcil.
Parce que dans chaque guerre, chaque conflit, chaque idéologie… chacun se prétend dans le camp du bien.
Les croisés. Les révolutionnaires. Les dictateurs. Les terroristes. Les démocraties elles-mêmes.

Tous, à leur manière, sont “convaincus”.
Convaincus d’avoir raison.
Convaincus que l’autre est le mal.
Convaincus que leur cause justifie l’action.

Alors je me pose la question :
Comment savoir que je ne suis pas moi-même en train de basculer dans l’erreur… tout en me croyant du bon côté ?
Et plus largement : Peut-on réellement savoir qu’on est dans le camp du bien ?

 

❓ Une question inconfortable… mais essentielle

Refuser de se poser cette question, c’est ouvrir la porte au fanatisme.
Mais s’y perdre totalement, c’est sombrer dans un relativisme paralysant.

Il faut donc trouver une voie étroite :

  • entre l’arrogance morale, qui croit détenir la vérité une fois pour toutes,

  • et la démission morale, qui finit par dire que “tout se vaut”.

 

Ce que l’Histoire nous enseigne

L’Histoire nous rappelle que le mal n’a pas toujours l’apparence du mal.

Parfois, il est bruyant, brutal, évident.
Mais souvent, il est froid, banal, fonctionnel, comme l’a montré Hannah Arendt.
Il se glisse dans les institutions, dans l’obéissance, dans les logiques de groupe, dans la conformité.

Et ceux qui le commettent ne sont pas toujours des monstres.
Parfois, ce sont des gens ordinaires, obéissants, convaincus qu’ils “font leur devoir”.

 

Des philosophes ont déjà posé cette question

  • Nietzsche nous met en garde contre les morales “officielles”, souvent façonnées pour maintenir un ordre ou une domination.
    Il nous rappelle que le mal peut se cacher derrière le langage du bien.

  • Camus insiste sur le fait qu’il vaut mieux mourir debout que vivre dans le mensonge, même au nom de nobles idées.

  • Kant, au contraire, propose un critère de vigilance : n’agir que selon une maxime que l’on pourrait vouloir universelle.
    Autrement dit : si tout le monde faisait comme moi, le monde tournerait-il mieux ou pire ?

 

Existe-t-il des repères pour savoir si on est “dans le bien” ?

On ne peut pas avoir de certitude absolue. Mais on peut cultiver une éthique de la vigilance.
Voici quelques repères que j’essaie de garder en moi, et de transmettre à ceux que je forme :

  1. Est-ce que j’agis avec conscience, ou par automatisme ?

  2. Est-ce que je respecte la dignité humaine, même sous tension ?

  3. Est-ce que je suis prêt à remettre en question mes croyances ?

  4. Est-ce que je cherche à protéger ou à punir ?

  5. Est-ce que je suis prêt à assumer les conséquences de mes actes ?

  6. Est-ce que je garde de la compassion, même dans le combat ?

Ce ne sont pas des dogmes. Ce sont des garde-fous intérieurs.

 

Qui sont ceux que je forme, alors ?

Pas des justiciers.
Pas des croisés.
Pas des soldats d’une idéologie.

Je forme des citoyens conscients.

Des hommes et des femmes qui :

  • veulent protéger sans dominer,

  • veulent être prêts sans devenir paranoïaques,

  • veulent agir sans se trahir.

Ils ne sont pas parfaits. Moi non plus.
Mais ils ont fait ce choix difficile :

Celui de voir le monde tel qu’il est, sans se voiler la face,
mais aussi de refuser de se corrompre intérieurement, même en le traversant.

 

Conclusion : une question qu’il faut garder vivante

Je ne prétends pas “être dans le camp du bien”.
Je dis simplement que je fais tout pour ne pas devenir le mal en prétendant le combattre.

Et je crois que cette humilité-là… est déjà un rempart.
Un début de sagesse.
Une ligne de conduite.

Parce que dans un monde où la violence monte, le vrai courage n’est pas seulement de résister.
C’est de le faire sans se perdre.